[12/20] Wat Pa Tam Wua (partie 2)

Suite de ma retraite au monastère international Wat Pa Tam Wua.

La sixième journée s’annonce difficile, la matinée démarre dans un flux de pensées incessant, que j’arrive plus ou moins à canaliser.
De nouveau, l’après-midi, une frustration monte dans mon esprit. D’où vient-elle ?
Le soir arrive sans que je puisse me calmer, ma concentration est en exil.

La sixième journée s’annonce difficile, la matinée démarre dans un flux de pensées incessant, que j’arrive plus ou moins à canaliser.
De nouveau, l’après-midi, une frustration monte dans mon esprit. D’où vient-elle ?
Le soir arrive sans que je puisse me calmer, ma concentration est en exil.

Néanmoins, je pense que je me suis mis la pression de nouveau. Trop sérieux et focalisé sur la méditation en elle-même plutôt que d’apprécier et observer.
Difficile de se défaire des vieilles habitudes, n’est-ce pas 😉
Je m’affale sur ma couchette, complètement épuisé, en ayant eu l’impression d’avoir parcouru une centaine de bornes à vélo.

Puis arrive le septième jour, l’heure de la vérité.
C’est par un réveil difficile et une motivation inexistante qu’elle débute.
Une douche froide me réveille un peu les neurones. Je me sens déconnecté, je suis en mode lunaire.
Trop de pression, l’esprit veut s’échapper du réel et passe sur le mode lunaire où je suis souvent décalé, je perds en concentration et en Mindfulness.

La marche méditative matinale sera l’occasion d’explorer ce qui se passe dans ma tête.
De nouveau cette impression de vide, d’être perdu au milieu de ce monde et nul part où se sentir chez soi.

Déraciné de la Terre.

Je repense à cette nuit, lorsque je me réveille vers 4h, à un moment ce nouveau frisson qui parcourt mon corps, à peine 1 minute.
Elle est encore là cette terreur, même si aujourd’hui je l’ai apprivoisé. Je l’avais un peu oublié depuis la Nouvelle-Zélande.

Cette « terreur » est présente depuis que je suis tout petit et se manifeste lorsque je me sens en insécurité. Durant mon enfance, le seul fait d’être seul dans un nouvel environnement, cette terreur se manifestait la nuit, vers 4h du matin en général, par des tremblements.

Durant la méditation assise, j’arrive à récupérer un peu de calme.
Néanmoins, j’explore plus profondément ce sentiment.
Puis, je découvre une peur, une angoisse tapie au fond de moi.
Cette angoisse du monde, des gens, de l’environnement.
Aujourd’hui, je n’ai plus d’endroit pour me réfugier, contrairement à l’époque où j’étais en France.

Je suis constamment face au réel, impossible de fuir. C’est pour cette raison que lorsque j’ai envie de fuir, je n’arrive plus à me guider. Qu’importe où j’irais je serais confronté à des situations difficiles ou faire des compromis.

Et maintenant, à travers la méditation, je fais face à moi-même et c’est dur. Des blocages, des peurs trop longtemps ancrés dans mon esprit.
C’est extrêmement difficile pour moi et je ne sais pas comment m’y prendre pour guérir.
Puis à la méditation allongée, j’ai envie de craquer, je m’énerve intérieurement. J’en ai marre.

Cette envie de pleurer, de lâcher du leste monte dans ma cage thoracique mais je la stoppe, de peur de me retrouver en pleurs au milieu de tout le monde.
M’est avis que cela aurait été bénéfique mais ma capacité à contrôler mes émotions est encore présente.

Déjà isolé dans le silence (que j’ai choisi mais non obligatoire), je m’isole dans ma cabane. Je tente d’échapper par la lecture. Mon sourire s’efface un peu de mon visage aujourd’hui, difficile de faire semblant.
Le seul moyen est d’avancer, essayer de faire face à cette épreuve mais le courage me manque un peu.

L’après-midi s’améliore, malgré une méditation couchée encore difficile, je manque de craquer une fois encore.
Puis, je lis un livre sur les 3 caractéristiques fondamentales pour qu’une pensée, émotion soit dissoute.
Appliquer ces 3 règles de manière impartiale :

  • Anicca. Toute chose est limitée à une certaine durée et par conséquent, amenée à disparaître.
  • Dukkha. Toute chose est insatisfaisante. Il n’y a rien sur quoi on puisse se fier, il n’y a rien qui puisse apporter un vrai bonheur.
  • Anatta. Toute chose est dépourvue d’en-soi. Il n’y a pas d’entité propre, rien ne peut être contrôlé.

Je lâche prise sur cette ombre qui me traverse depuis ce matin.
L’étude du bouddhisme a bousculé mes concepts personnels, et à travers cette retraite, j’entrevois plus clairement cette voie.
Nous ne contrôlons pas notre esprit, il décide de lui-même quelle pensée va traverser.

En 7 jours, par deux fois, cette ombre a traversé mon esprit. Ce n’est pas un hasard, j’ai un travail à faire dessus, aussi difficile soit-il. Il n’y a pas de conséquence sans cause, principe important du bouddhisme (Kamma).

En trouvant la cause et en acceptant les trois caractéristiques, je me libérerai de cette souffrance.

Dans la soirée, durant ma lecture du livre Le Sixième sommeil, de Bernard Werber, je tombe sur ce passage qui me fait comme l’effet d’un coup de poing :

Croire qu’il existe un seul endroit où l’on puisse être totalement en sécurité est un concept d’enfant. Bernard Werber

Je m’endors en gardant à l’esprit ces quelques mots.
Un réveil plus en douceur pour le huitième jour, il pleut.
Je me sens mieux dans ma tête, la nuit a bien digéré mes soucis.
Je retrouve un esprit plus clair avec toutefois pas mal d’idées en tête.

Durant la séance matinale, le moine nous explique comment faire face à une émotion, avec comme exemple la tristesse.

Comme nous ne contrôlons pas notre esprit, cela ne sert à rien de repousser cette émotion. Il faut simplement la voir, être attentif à ce qu’elle génère en nous, corps et esprit. Puis lâcher prise et accepter que ça peut durer une journée ou 1 heure. Elle se dissoudra d’elle-même. Si on force, on ne fait que renforcer cet émotion et nous aggravons la situation.

Si nous essayons de nous en débarrasser, elle reviendra à coup sûr et nous risquons de créer une nouvelle souffrance, la colère. Car nous voulons maîtriser.

Voilà donc le cœur de la méditation Vipassanā, être l’observateur de son esprit et de son corps, sans s’y attacher car cela ne nous appartient pas.

Cette capacité à mettre en perspective dans son esprit n’est pas forcément possible pour tout le monde.
C’est pour cela qu’il faut expérimenter et trouver sa voie à travers les différentes techniques de méditation.
C’est exactement ce qui m’est arrivé hier. Ma fâcheuse tendance à vouloir tout contrôler et me pousser dans mes limites, à créer cette colère qui est apparu lors de ma méditation couchée (par deux fois).

Puis j’ai pris du recul, et me suis concentré sur le corps, lâché prise sur cette ombre et dans la soirée, l’émotion de colère s’est dissipé petit à petit et puis cette dépression également pour arriver à mon état neutre.

Je suis à la fois partagé entre la vision occidentale qui tend à vouloir connaître les moindres détails de la raison de cette ombre et la vision orientale qui tend à lâcher-prise sur les évènements. Ça sera à moi de trouver cet équilibre entre ces deux visions.

Néanmoins, la citation de Bernard Werber d’hier a fait écho avec mon sentiment d’être constamment à vouloir fuir et me réfugier dans un espace sécurisé.

Pour l’avant-dernier jour, je décide de retirer mon badge « Silence ».

Le matin est plutôt calme et, c’est presque une règle maintenant, l’après-midi je rencontre des difficultés à me concentrer sur le moment présent.

Après le repas de midi, je fais la rencontre d’un français, Julien et d’une suisse, Pauline. Ils sont arrivés hier à quelques minutes d’intervalle seulement.
Nous passons notre temps libre à discuter ensemble. J’en profite un maximum car je pars le lendemain et probablement eux aussi.
C’est un échange vraiment intéressant comme je les aime, nous abordons chacun notre vision de vie et ce que la méditation nous a apporté.

C’est à travers cette discussion que je me rends compte de la différence entre moi et Julien, complètement à l’opposé dans notre personnalité. Mais surtout, je réalise que je reste encore dans une zone de confort dans ce voyage.

Toujours cette peur d’aller vers l’inconnu, sortir des sentiers battus. Au fond de moi, je pense en avoir envie, ça explique un peu cette frustration qui s’invite parfois.
Ce besoin d’aventure dans la nature, loin des pôles touristiques et de la civilisation.
Il n’est pas nécessaire que je me mette la pression pour obtenir ce que je veux, cela viendra quand je serais prêt. Faire preuve de patience.

Ce dixième et dernier jour sera marqué par la douleur.

Douleur causé par une guêpe asiatique qui m’a piqué sur le crâne. C’est durant la marche méditative que nous entendons, derrière nous, des personnes crier et courir. Puis devant moi, j’aperçois plusieurs grosses guêpes. J’attends avant de continuer, puis quand je pense que le danger a disparu, à peine un pas et paf ! Une décharge électrique me pique la tête.

Bon sang, c’est super douloureux, et je m’aperçois que je saigne.
Une personne m’accompagne pour nettoyer la plaie.
La plupart des personnes sont retournés à la salle de méditation mais je décide de continuer la marche avec les quelques personnes restantes.

Lorsque nous retournons à la salle de méditation, j’aperçois 2 personnes, celles qui ont été piqués en premier. L’une d’elle a été piqué 5 fois ! Je suis un peu inquiet car au-delà de 3 piqûres, cela peut être dangereux voir fatal pour certaines personnes.

Apparemment tout va bien et nous continuons la méditation.
Pendant plus de 10h, je dois faire avec une douleur lancinante, parfois violente dans la tête.
Ensuite, je fais mon package, nettoie le kutti et me rends à l’arrêt de bus.

Tout au long du chemin entre le monastère et l’arrêt de bus, je suis accompagné de 2 chiens.
Une demi-heure plus tard, c’est Pauline qui me rejoins. Elle se rend à Mae Hong Son, à l’opposé d’où je vais.
Après une heure d’attente, nous essayons le stop, aucun succès. Puis son taxi arrive et embarque.

Le taxi qui devait m’amener jusqu’à Pai n’est jamais arrivé et après 2h d’attente, le mini-van en direction de Chiang Mai s’arrête pour déposer des personnes. J’en profite pour m’y incruster !

Photos : Wat Pa Tam Wua

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