[12/33] De Grafton à Ebor

Une première journée vraiment idéale !
Un temps chaud et dégagé, un léger vent et un dénivelé raisonnable (400m).
Après le départ de mon campement, je parcours 10 km pour arriver à Grafton. Je fais le plein de nourriture pour 6 jours.
Ensuite, il n’y aura plus de supermarché (seulement de petits stores très cher). Je commence vraiment à détester les supermarchés.
Le stress du vélo avec les bagages, trop de choses, trop de pubs. Je m’éclipse le plus rapidement. Malheureusement, je n’ai pas trop le choix pour le moment, c’est mon seul point de ravitaillement, et pas trop cher.

La route jusqu’à Nymboida se passe sans encombre. Du trafic au début, qui se raréfie au fil de mon parcours.
Au moment où je pense être arrivé à mon campement, je vérifie sur mon appli. Trop tard, je l’ai dépassé. Tant pis, je continue jusqu’au prochain qui est à 8 km.
Finalement, ce spot se révèle être bien mieux que l’autre (d’après les commentaires sur le précédent) et je suis de nouveau tout seul.
Pas grave, je profite de la rivière pour me nettoyer un peu mais je m’aperçois qu’elle n’est pas très clair et je renonce à faire le plein en eau. La fatigue et le froid me font renoncer à faire un feu.
Je m’endors en étant fier d’avoir fait une super journée, et enlevé cette appréhension concernant la faisabilité de ce parcours.

Le réveil se fait dans la fraîcheur, et j’attends que le soleil arrive sur ma tente pour me lever.
Je prends tranquillement mon petit-déjeuner au soleil et contemple l’environnement. Je me sens bien, et je me rends compte que je me met moins de pression qu’auparavant, le matin surtout. Plus dans le plaisir et je fais plus attention à moi également.

Je teste aussi un nouveau mélange (flocons d’avoine, mélange de fruits sec et noix, sucre et parfois des tranches de bananes) pour le matin.
Après 3 jours d’essais, je sens ce mélange m’apporte plus d’énergie, j’utilise un peu moins de barre de céréales le matin.

Me revoilà reparti, plein d’entrain, pour une grosse journée avec un gros dénivelé (1000m) sur une distance de 30 km.
Ma forme physique revient petit à petit et la pente n’est pas trop raide.
Je profite donc pleinement de cette longue montée (et quelques bonnes descentes parfois).
Je sens que mon moral baisse ? Hop un peu de musique et ça repart !

Vers midi, je me retrouve sans eau, n’ayant pas pu faire le plein hier. Je m’arrête à une ferme et demande à un vieux fermier si je peux avoir de l’eau. Il m’indique le robinet et commence à discuter.
Je lui raconte rapidement mon itinéraire et me complimente sur mon vélo.
C’est pas la première fois, Kaihōpara Rangi fait toujours son petit effet !
Il me dit aussi que les rivières commencent à être vraiment pollué dans le coin. J’en ai vu un aperçu.
L’eau est rare dans cette région car il pleut seulement une fois par mois et j’ai vu plusieurs fois le panneau “Water is more precious than gold”.
Je le remercie pour son aide et repart sur la route.

J’arrive au campement, à Dundurrabin vers 14h. Parfait, je pose la tente et profite encore de ce spot désert (à croire que personne voyage en hiver) pour me reposer.
Je ressens une grande joie en arrivant, je le sentais déjà hier. Un sentiment de bien-être et d’être de nouveau pleinement dans le voyage ! J’apprécie de plus en plus l’Australie au fil des jours.

Le lendemain, dernière étape vers le sommet d’Ebor, à 1300m d’altitude. La route est toujours aussi plaisante. Le temps est plus couvert et frais. Quelques montées un peu plus difficile mais l’endurance est là.
Toujours cette joie de rouler à mon rythme et d’avoir de bonnes sensations.
En arrivant sur Ebor, je m’arrête au point de vue : un panorama sur le National Park et une cascade, magnifique !
Je vais ensuite à un petit bar pour me prendre un bon café pour me récompenser de l’effort fourni puis je pose ma tente sur une aire de camping, pas terrible mais ca sera suffisant pour dormir.
La fatigue accumulée se fait sentir, après 3 jours continus et plus de 2200m de dénivelé, c’est normal.

Je me rend compte durant cette journée que l’appréhension que j’avais avant de démarrer ce périple était inutile. J’ai failli me faire avoir par mon esprit, mais non c’est moi qui l’ai dirigé.
Même si je le savais déjà, je ne pouvais m’empêcher d’imaginer ce qui pouvait arriver. Là aussi, j’ai progressé !

Pourquoi je me sens aussi bien ? 

Et bien, j’ai mis en pratique l’enseignement du moine bouddhiste français Matthieu Ricard dans son livre “Le moine et le philosophe” dans lequel il décrit le processus de libération des émotions.
C’est à dire : être à l’écoute d’une émotion, l’accepter et la laisser s’en aller.
La première fois c’était lorsque j’ai reçu la réponse négative pour Vipassana. De la colère et de l’injustice en était ressorti, j’ai donc très vite identifié ces émotions, et accepter la situation telle qu’elle se présentait. Le lendemain, je ressentais déjà un gros soulagement et une nouvelle perspective de faire un voyage sans date d’arrivée.

La deuxième fois, c’était il y a quelques jours. Cette mélancolie lié à l’envie de revoir la famille et mes amis. Je l’avais identifié à Grafton et hop, le lendemain de nouveau, je retrouve une nouvelle énergie. Cette mélancolie ne me tracasse plus et ça ne m’empêche pas de penser toujours à mes proches.

Matthieu Ricard définit le bouddhisme comme une science de l’esprit car il faut arriver à s’auto-analyser avec un bon recul.
Étant un analyste au quotidien, je me plais à mettre en pratique cette technique, surtout quand je m’aperçois des bienfaits que cela m’apporte !
Je commence à comprendre ce mécanisme et je vais l’utiliser de plus en plus, même si parfois, ça ne sera pas aussi facile.

Je vois une émotion (“mouvement” en latin) comme une sorte de radar : “il se passe quelque chose en moi”. Le fait de l’identifier et de l’accompagner dans un processus d’acceptation, l’émotion a fait son travail et ne reste pas ancré dans notre esprit. Il faut apprendre à l’utiliser et non subir.
C’est le gros défaut de notre société actuelle, on nous apprend pas à gérer nos émotions et c’est une erreur, à mon avis !
Ma génération est particulièrement sensible à ce problème, je le vois dans mon entourage.
Mon début de théorie est que nous avons accumulé un tel héritage d’émotions, de nos parents, grands-parents qu’il est temps pour nous de faire le ménage. Notre sensibilité est également différente et nous permettra de mieux comprendre cet héritage.

De plus, le vélo m’apporte une sorte de méditation car j’ai le temps de me poser des questions. Je me perds dans mon imaginaire mais je sais aussi me focaliser sur le moment.

Le fait d’avoir vécu cette expérience m’a rendu vraiment heureux et j’ai à cœur de continuer avec ce nouvel état d’esprit, un nouveau cap dans mon évolution personnelle et spirituelle.

Et pour confirmer que je suis sur la bonne voie, je fais un rêve la nuit dernière. À la limite du cauchemar. Je me retrouvais à perdre mes dents ! Hum bizarre…
Après des recherches sur internet, deux interprétations possibles, une positive et une négative. Étant dans une période positive en ce moment, je me sens plus en accord avec l’interprétation positive.

Voici les idées qui en ressortent :

  • Une libération des anciennes façons de vivre et l’adoption de nouvelles habitudes (mon choix de devenir végétarien, plus de lâcher-prise)
  • Signe d’expansion personnel (mon approche émotionnelle qui évolue)
  • Souhaitez prendre soin de vous (c’est ce que je fais à travers ce voyage vers Sydney)
  • Une invitation à explorer un sentiment de perte (perte d’un confort financier, je me retrouve à l’autre bout du monde avec actuellement 500$ en poche)
  • Un appel à regarder de plus près votre système de soutien (même si j’ai un énorme soutien de mes proches, je ressens l’envie de voyager avec quelqu’un, ce sera certainement pas le cas jusqu’à Sydney mais pour la suite, j’avais déjà émis l’idée de faire le voyage vers Perth avec quelqu’un)
  • Symbole de renouveau et renaissance (le mois de septembre est, d’après mon expérience, toujours associé au changement, preuve en est de mon départ l’année dernière)

Voilà donc tout ce cheminement en quelques jours, des prises de conscience et un sentiment de joie et d’évolution.
En 11 mois de voyage, j’ai énormément appris sur moi-même et je compte continuer sur cette formidable voie.
Ma patience et ma persévérance ont porté leurs fruits.

Je le dis peut-être pas assez mais j’ai la chance d’avoir une famille et des amis exceptionnels, qui me soutiennent quand ça ne va pas et même en étant à l’autre bout du monde, je conserve ce lien (pas uniquement virtuel).
Ce soutien est tellement important lorsqu’on voyage, qu’il ne faut pas le négliger.

Photos : Dundurrabin et Ebor

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